Le sentiment de déclassement concerne un quart des personnes qui appartiennent à la même catégorie que leur père
Le sentiment de déclassement ne concerne pas uniquement les personnes dont la mobilité sociale est descendante. En effet, 57 % des personnes qui se sentent déclassées connaissent soit une mobilité ascendante (8 %), soit une mobilité de statut (20 %) ou encore appartiennent à la même catégorie socioprofessionnelle que leur père (30 % ). Par ailleurs, 24 % des personnes qui occupent la même position sociale que leur père estiment qu’elles sont moins bien classées que lui. Cette tendance est particulièrement marquée en haut de l’échelle sociale : 34 % des personnes qui, comme leur père, sont cadres se sentent déclassées. À l’inverse, ce ressenti est plus faible (16 %) chez les agriculteurs enfants d’agriculteurs, compte tenu sans doute de la profonde transformation du monde agricole : en 2014-2015, les agriculteurs sont plus diplômés que leurs pères et plus fréquemment à la tête d’exploitations de grande taille.
Pour les femmes, un ressenti plus favorable lorsqu’elles se comparent à leur mère
Se comparant à leur père, l’appréciation des femmes est en général moins favorable que celle des hommes : 27 % d’entre elles se considèrent moins bien classées socialement que leur père, contre 23 % pour les hommes. Cet écart s’explique en grande partie par les inégalités de genre sur le marché du travail : femmes et hommes n’occupent pas les mêmes professions. En effet, si la mixité professionnelle progresse, la surreprésentation masculine dans les métiers les plus qualifiés et la surreprésentation féminine dans les emplois non qualifiés existent toujours. À trajectoire sociale donnée, les écarts de ressenti entre femmes et hommes sont moindres. La différence de ressenti entre femmes et hommes reste marquée chez les enfants de cadres. Quand leur trajectoire sociale est descendante, les femmes se sentent plus souvent déclassées que les hommes. Il en est de même lorsqu’elles sont cadres comme leur père.
Les inégalités de genre dans les positions sociales étaient plus prononcées encore dans la génération des parents. Ainsi, le sentiment de déclassement est nettement moins fréquent lorsque les personnes, femmes ou hommes, se comparent à leur mère : il est exprimé par 10 % des personnes quand elles se comparent à leur mère contre 25 % quand elles se réfèrent à leur père. Aussi, une autre façon de mesurer les écarts de ressenti entre femmes et hommes est de mener la comparaison avec le parent de même sexe. Les femmes se sentent alors deux fois moins souvent déclassées que les hommes (11 % contre 23 %). Et cet écart ne peut pas s’expliquer uniquement par la faible participation des mères au marché du travail : quand on se limite aux cas où parent et enfant travaillent ou ont travaillé, l’écart entre femmes et hommes se réduit, mais reste très marqué. Lorsqu’elles se comparent à leur mère, les femmes sont ainsi trois fois plus nombreuses à déclarer une ascension sociale plutôt qu’un déclassement.
Le sentiment de déclassement social diminue quand l’âge augmente
Se sentir déclassé par rapport à son père, tout comme le fait de connaître une mobilité sociale descendante, est moins fréquent à mesure que l’âge augmente : 29 % des personnes de 30 à 39 ans se considèrent moins bien classées que leur père, contre 22 % pour les personnes de 50 à 59 ans. Ces différences selon l’âge pourraient refléter davantage de mobilités descendantes pour les plus jeunes générations, sans qu’il ne soit possible de conclure. En effet, les différentes générations ne sont pas observées au même stade de leur carrière : les plus jeunes sont encore au début de leur carrière alors que les plus anciennes sont plus avancées.
Minoritaire, le sentiment de déclassement existe aussi chez les cadres
Les cadres occupent une position plutôt privilégiée dans la stratification sociale et, par construction de la typologie des mobilités retenue, ils ne peuvent pas connaître de mobilité sociale descendante. D’ailleurs, la majorité se déclare mieux classée que leur père. Malgré tout, 18 % d’entre eux se considèrent moins bien classés que leur père. Ce taux global de déclassement recouvre une certaine diversité selon la profession. En particulier, les professions de l’information, des arts et des spectacles se distinguent assez nettement des autres : le sentiment de déclassement y est particulièrement fort (30 %). La moindre proportion de contrats à durée indéterminée et la faiblesse relative des rémunérations dans ces professions expliquent probablement ce sentiment.
Les femmes cadres sont globalement plus nombreuses (20 %) à se sentir déclassées par rapport à leur père que les hommes (15 %). Cette différence ne relève ni d’un effet de structure lié aux professions exercées (elle concerne toutes les professions), ni d’un effet de structure lié aux origines sociales (femmes et hommes cadres sont aussi nombreux à avoir un père cadre). Ces écarts peuvent en revanche refléter les différences de rémunérations qui existent entre femmes et hommes.
Les conditions d’emploi expliquent en partie le ressenti des employés et des ouvriers
Les employés et les ouvriers sont les plus sujets au sentiment de déclassement : 30 % d’entre eux se sentent déclassés et ils représentent près de 60 % des personnes qui se sentent déclassées. 53 % des employés et ouvriers non qualifiés ont une position sociale moins élevée que celle de leur père et 36 % se sentent effectivement déclassés. La mobilité sociale descendante et le sentiment de déclassement sont, logiquement, moins fréquents chez les employés et les ouvriers qualifiés, avec des taux respectifs de 19 % et de 26 %.
Au sein des employés et des ouvriers, le sentiment de déclassement varie fortement selon les professions. Il est ainsi plus élevé pour les ouvriers agricoles (45 %), les caissiers (43 %), les serveurs, aides de cuisine et employés d’hôtel (40 %) ou encore les vendeurs non spécialisés (37 %). Dans ces professions, les conditions d’emploi sont en effet moins favorables (davantage de temps partiel, risque de chômage plus élevé et revenu plus faible) et les mobilités sociales descendantes plus fréquentes. À l’inverse, le sentiment de déclassement est plus faible chez les ouvriers qualifiés, notamment ceux de l’industrie, du bâtiment et des travaux publics ou de la mécanique et du travail des métaux, pour lesquels la mobilité sociale descendante est très rare (environ 10 %). Ce sentiment est également peu répandu parmi les militaires, les policiers, les surveillants pénitentiaires et les pompiers (17 %). Ces professions s’inscrivent plus souvent dans une trajectoire sociale descendante (environ 30 %), mais le risque de chômage y est plus faible et les rémunérations plus élevées que pour les autres employés ou ouvriers.
Source : Tiaray Razafindranovona, « Malgré la progression de l’emploi qualifié, un quart des personnes se sentent socialement déclassées par rapport à leur père », Insee Première, n° 1659, 12 juillet 2017.
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